Depuis que je me suis décidée à déménager l’année dernière, j’ai commencé à trier ma vie. À vrai dire, à passer son enfance de ville de ville, on prend l’habitude d’emporter l’essentiel par petits bouts. On choisit le fonctionnel et l’intime, le concret et le souvenir, on garde ce qui fait chambre à soi, petit monde qui nous identifie et nous construit.
Quoi qu’il en soit, l’obsession du tri m’a attrapée par le col il y a quelques mois, et c’est devenu depuis un moyen de calmer mon stress, ou du moins le flou artistique dans ma tête. Dès que je me sens submergée, je commence à fouiller méthodiquement chacun de mes tiroirs, comme si la sélection minutieuse de mes habits constituait l’identité d’un moi renouvelé, purifié du superficiel. Rapidement, le calme revient. Je me soigne en faisant le vide. Je me guéris de l’accumulation. Curieusement, me détacher du matériel me remet les pieds sur terre. C’est aussi, il est vrai, une excuse pour acquérir un item de ma wishlist Vinted. Et la boucle de repartir. Mais c’est une autre histoire.
Pourquoi ai-je le besoin quasi vital de me séparer de la cravate vintage Claude Montana de mon grand-père, et en même temps si mal au cœur lorsque je la donne à Emmaüs ? L’attachement que je porte à mes objets est un héritage émotionnel, un signe transgénérationnel brandi et intégré à mon expression de soi. C’est dans ces cas-là que je choisis parfois de réparer, plutôt que de donner ou vendre. Les quelques personnes que j’ai pu interroger à ce sujet (car oui, je trie vos dressings for free !), préfèrent aussi confier leurs effets échus d’une aïeule dotée d’un bon goût à un retoucheur ou un cordonnier expérimenté.
Car cette élévation par le vestiaire, à la fois futile et sensible, je suis forcée de le reconnaître, me définit et me fait du bien. Elle est apparemment évolutive, ce qui est une bonne chose. Retirer des éléments redynamise ma créativité et permet l’élaboration de nouveaux assemblages. Je trouve intéressants les exercices de répétition et de collage au sein d’une garde-robe, comme on dresserait notre plus jolie table avec une vaisselle chérie depuis de longues années (lu dans Cose Journal, merci Edwige pour la reco). Dans l’idéal, une ‘capsule wardrobe’, autrement dit l’essentiel et la qualité, la crème de la crème, serait l’aboutissement de tout ce tri intempestif. J’aimerais avoir la force d’esprit d’un ermite, pour vivre avec trois t-shirts et une montagne de livres. Mais bon, j’ai les livres, les magazines et beaucoup trop de chouchous.
Cependant, peut-on trier sa vie jusqu’à ne plus se reconnaître ? Jusqu’à se retirer de sa substance ? Est-ce que je feinte mon esprit en me débarrassant d’objets alors que je devrais me débarrasser de pensées ou de personnes ? Le choix est fragile entre le danger du rien, la table rase qui détruit toute projection et la valeur tangible de ce qui nous ancre et nous stabilise, que ce soit un ami ou un très joli pull en cachemire. L’équilibre est à délimiter entre une « armure de nouveauté constante » (cf. Issey Gladston) et un enracinement profond dans le noyau, la corporéité, le durable.
À la prochaine dans mon appart Rick Owens !
xMaylo
Oh non pas la cravate Montana :(((
Je prends rdv pour le deshabillage d armoire ♥️